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« Nous développons une qualité visuelle élevée sans sacrifier notre ancrage local. » 

Installée dans le Morbihan, la société Ride FX est dirigée par Elia Vermander. C’est un des rares studios bretons qui cumule la post-production, les VFX (effets spéciaux visuels) et l’animation 3D. Ride FX a participé récemment au court métrage « Loynes », ainsi qu’aux longs métrages « Les Fantômes » et « Yes ».

Vous qui venez de Belgique, comment avez-vous rencontré la Bretagne ? 

Elia Vermander : Je suis arrivé en Bretagne il y a six ans, après la naissance de ma fille Louisa. Ma femme, Sarah, est originaire d’ici, et nous cherchions un lieu de vie à la fois accessible pour nos deux familles et agréable à vivre. La Bretagne s’est imposée naturellement. Il y a d’ailleurs plusieurs similitudes entre la culture bretonne et celle de la Flandre, d’où je viens : un certain franc-parler, un rapport fort à la terre, et un attachement à l’identité régionale. 

Votre société a commencé par créer des contenus pour parcs d’attractions et musées. Comment s’est fait le lien vers le cinéma ?   

EV : À l’origine, Ride FX avait pour vocation de produire des films immersifs destinés aux parcs d’attractions. Mais quelques mois après notre création, la crise du Covid est survenue et nous avons perdu un contrat important. Nous avons donc élargi notre champ d’action vers le cinéma. Le lien entre les deux c’est le storytelling porté par les technologies immersives ou les effets visuels. Nous lisons les scénarios de chaque projet pour identifier les éléments clés qui renforceront la narration et toucheront le public. Et nous tenons à proposer en amont une solution sur mesure aux réalisateurs. 

Pouvez-vous évoquer votre collaboration avec les producteurs de Films Grand Huit sur « Les Fantômes » de Jonathan Millet ?  

EV :  La rencontre avec Films Grand Huit s’est faite autour de cette approche hybride, à la croisée du cinéma et de l’interactif. Nous avons été très à l’écoute de leurs besoins et avons réussi à y répondre avec beaucoup de réactivité. « Les Fantômes » fut notre premier long-métrage, et je les remercie pour leur confiance; ainsi que Maxime Even, directeur de post-production, avec qui nous collaborons régulièrement. Au-delà du compositing classique, nous avons dû relever un défi très spécifique : dans le film, les protagonistes communiquent via un jeu vidéo de type « Call of Duty ». Or, pour des raisons de droits, il était impossible d’utiliser un jeu existant. Nous avons donc développé une plateforme sur mesure capable de reproduire les actions nécessaires à la narration, permettant d’enregistrer plusieurs prises, tout en restant dans un cadre budgétaire réaliste. Le jeu a été livré avec les VFX et il est parfaitement jouable. C’est un bon exemple de notre capacité à mobiliser des compétences rares dans un studio classique. 

De quelle nature a été votre apport sur le court métrage « Loynes », également produit par Les Films Grand Huit et sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes ? 

EV : Avec le réalisateur Dorian Jespers, nous partagions une admiration pour Sokourov, notamment pour son film « Faust ». Quand le producteur Jules Reinartz nous a contactés, l’enjeu était de permettre à Dorian de visualiser ses séquences et d’en ajuster l’esthétique quasiment en temps réel. Nous leur avons donc proposé l’utilisation du logiciel Unreal Engine comme outil de création cinématographique. Cela nous a permis de collaborer étroitement avec le réalisateur sur l’univers visuel, en particulier pour la séquence d’ouverture. Nous aurions aimé pousser encore plus loin l’exploration de cet univers, qui a pleinement mérité sa sélection à Cannes. 

Crédit photo : LOYNES de Dorian Jespers © Films Grand Huit

Et en ce qui concerne le long métrage « Yes » de Nadav Lapid, lui aussi à la Quinzaine des Cinéastes ?  

EV : Sur « Yes », Ride FX a réalisé plusieurs plans combinant effets visuels avancés et compositing, avec l’aide de ses partenaires. C’est un film audacieux, mêlant humour tranchant et réflexion profonde. Nous avons tâché d’apporter une vraie valeur ajoutée au travers des effets spéciaux, au service de la vision singulière du réalisateur Nadav Lapid. 

Ride FX a beaucoup collaboré sur des projets à l’international. Comment vous êtes-vous implantés régionalement ?  

EV : Les projets internationaux — notamment en Chine, en Arabie Saoudite ou plus récemment en Espagne, en Allemagne et en Italie — nous ont permis de grandir. En France, Paris reste un carrefour incontournable pour les rencontres professionnelles, mais nous sommes heureux de construire un ancrage fort en Bretagne. Nous avons ainsi amorcé plusieurs collaborations locales autour de projets immersifs inspirés du territoire breton. La récente reconnaissance des sites mégalithiques du Morbihan par l’Unesco pourrait servir de tremplin à l’un de ces projets. D’autres sont en discussion, avec des musées ou institutions de la Région. Concernant le cinéma, nous sommes en contact régulier avec Bretagne Cinéma. Leur soutien et leur rôle de mise en relation sont essentiels. 

Quelle est aujourd’hui la taille de votre équipe en Bretagne ? 

EV : Notre studio est basé au parc d’innovation Village by CA à Vannes Sud, où nous disposons d’une équipe encadrante très investie et de bureaux spacieux qui accueillent en moyenne huit personnes. Le reste de notre équipe internationale travaille à distance, sur nos ordinateurs via une connexion sécurisée. Nous avons aussi un entrepôt dédié au prototypage de nos installations scénographiques et de réalité virtuelle. Et surtout, nous travaillons sur un projet ambitieux pour 2027 : il s’agit de créer un pôle de plusieurs entreprises innovantes avec Ride FX, regroupant un studio film, un atelier de scénographie et un espace de développement de projets de réalité virtuelle. 

Vous venez de créer une deuxième société, Wild Sea. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

EV :  Wild Sea est notre nouvelle société de production, avec laquelle nous lancerons nos premières fictions en 2026. L’idée est de fédérer les talents locaux, réalisateurs, scénaristes, producteurs, autour de projets ambitieux à portée internationale mais ancrés en Bretagne, notamment dans le registre de la fiction historique. Nous avons deux projets en cours, un court métrage et une série en écriture par la réalisatrice et scénariste Naoile Jouira. Nous avons la chance de pouvoir collaborer avec des structures comme 441 Pictures et d’autres partenaires talentueux. La Bretagne offre des décors naturels exceptionnels et un écosystème de plus en plus riche. Grâce à nos capacités techniques nous pouvons développer une qualité visuelle élevée sans sacrifier notre ancrage local. 

Propos recueillis par Valérie Ganne.

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