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Claude Barras : « En Bretagne, il y a une des grandes familles du monde de l’animation. »

Son deuxième film, « Sauvages », est en ce moment à l’affiche. Le réalisateur Claude Barras revient sur sa collaboration avec les équipes du studio breton Personne n’est parfait qui ont réalisé à ses côtés décors, costumes et accessoires.

Crédit photo : Claude Barras, lors de la fabrication de SAUVAGES © Claude Dussez

Vous avez confié la fabrication des décors et costumes de « Sauvages » aux équipes d’un studio breton. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Plus précisément, la société Vivement Lundi a pris en charge la fabrication de “Sauvages” (lire ici) via son studio Personne n’est parfait. Ils m’ont proposé de travailler avec le chef décorateur Jean-Marc Ogier que je connaissais bien car il était venu travailler en renfort sur la fabrication de décors de mon précédent film, « Ma vie de courgette » en 2015.

Comment travaille le chef décorateur sur un film d’animation en stop motion ?

Concrètement, Jean-Marc a géré la fabrication de tous les décors depuis Rennes, de la conception visuelle à l’engagement et la direction des équipes bretonnes. Nous avons travaillé ensemble à partir de photographies, du story-board, de références visuelles de peintres ou d’illustrateurs. Jean-Marc me faisait des propositions, il dessinait chaque décor, concevait les tables qui supportent ces décors ; des plateaux que l’on peut déplacer comme un puzzle. Par exemple, il a conçu une trentaine d’espèces végétales de différentes formes et couleurs que l’on pouvait combiner sur les plateaux, réutiliser sur plusieurs décors, comme de petites jungles amovibles…

Comment avez-vous travaillé ensemble malgré l’éloignement physique ?

Je suis un jeune papa et je vis dans les Alpes suisses. Il me faut deux jours de trajet pour rejoindre Rennes en train, parce que j’évite de prendre l’avion. Jean-Marc a donc commencé par travailler de son côté sur quelques décors bien reconnaissables, notamment le bord de la rivière (cf photo). C’est l’un des plus complexes parce qu’il réunit de l’eau, des feuilles, des rochers, des arbres… Puis je suis venu une semaine à Rennes pour découvrir ces premiers décors, les tester avec des prototypes des marionnettes, faire connaissance avec les équipes. Ensuite, il était inutile pour moi de revenir en Bretagne : nous travaillions avec Jean-Marc en échangeant régulièrement des photos. La construction des décors de « Sauvages » a mobilisé une trentaine de personnes sur un an. Pendant ce temps, de mon côté je sculptais les premières marionnettes avec une petite équipe à Annemasse. Quand ces prototypes suisses ont été prêts, nous les avons envoyées en Bretagne à la cheffe costumière Anna Deschamps.

Les marionnettes venaient donc s’habiller en Bretagne ?

Oui, on peut le dire comme ça ! J’ai beaucoup échangé avec Anna Deschamps sur les couleurs, les matières. Elle est venue deux fois à Annemasse avec ses propositions de costumes. Les marionnettes que nous avons envoyées en Bretagne sont des prototypes : des personnages moulés sur lesquels Anna pouvait essayer les costumes, les accessoires, les bijoux et créer des patrons à leur taille. Pour l’héroïne, Kéria, nous sommes partis de références de photos d’écolières à Bornéo et de Mangas. Pour Sélaï, son cousin, et la famille Pénan qui vivent dans la jungle, nous avions de la documentation, mais aussi mes propres photos car j’ai eu la chance de les rencontrer et de vivre avec eux quelques jours dans la jungle de Bornéo. Les sacs à dos à la taille des marionnettes, en rotin coloré avec des plantes, ont d’ailleurs été fabriqués sur place par des Pénan. La peintre rennaise Emmanuelle Gorgiard qui a également travaillé avec nous me faisait des propositions de couleurs, notamment pour les plantes. Nous nous sommes inspirés de la réalité en essayant de ne pas devenir fous en termes de précision botanique ! L’univers du douanier Rousseau nous a accompagnés, dans ses tableaux, beaucoup de plantes magnifiques sont inventées. La stop-motion est une technique qui rassemble beaucoup d’artisans d’univers différents. Je connaissais un certain nombre de Bretons de l’équipe, soit par mon précédent film « Ma vie de courgette », soit par le court métrage d’animation en volume « Imposteur » d’Elie Chapuis que j’avais coproduit avec la société bretonne JPL Films. En Suisse pour le tournage qui a duré 7 mois, nous avons accueilli des bretons et des belges.  En Bretagne, il y a une des grandes familles du monde de l’animation.

Crédit photo : “Sauvages” de Claude Barras © Haut et Court

Le scénario de « Sauvages » a été développé au sein d’une résidence d’écriture au Groupe Ouest en 2018. En quoi a consisté cette résidence bretonne ? 

C’était le début du projet, un moment fragile où il est vraiment important d’être soutenu. Je suis arrivé en Bretagne avec quelques pages issues d’un premier atelier d’écriture que j’avais suivi à Genève. Le bébé orang-outan est le premier personnage autour duquel l’histoire s’est écrite. En résidence d’écriture nous étions un groupe de huit scénaristes-réalisateurs qui développaient le scénario de leur premier ou deuxième long métrage. C’était génial d’échanger nos points de vue avec des consultants sur une année complète, puisque la résidence se déroule en quatre séjours de deux semaines. Le coach principal de mon projet au Groupe Ouest était le québécois Marcel Beaulieu, que j’ai d’ailleurs ensuite recontacté pour des consultations sur le scénario.

« Sauvages » traite du thème de la destruction de la nature par certains humains. Par quels moyens avez-vous souhaité que le tournage soit également écoresponsable ?

Pour les décors, nous avons essayé d’éviter dans la mesure du possible le polystyrène, qui contient du mercure, au profit du bois labellisé et local, du plâtre ou du papier mâché. A la fin du tournage, nous avons organisé une grande braderie des décors démontés, le bois a été donné des ressourceries. Nous avons toujours prêté attention au recyclage et à la réutilisation.

Vous avez accompagné le film avant sa sortie, notamment en débattant avec le public. Comment les spectateurs Français se sentent-ils concernés par cette histoire qui se déroule à Bornéo ?

J’aime beaucoup entendre les réactions des enfants pendant les projections : à la fin du film, ils rient et applaudissent quand Kéria se débarrasse du contremaitre. Ils prennent parti pour elle. Pendant les débats, ils me posent des questions sur la fabrication du film, qui reste un peu magique pour eux, mais aussi sur la réalité de ce que nous évoquons de la situation de la forêt équatoriale. La sortie du film est accompagnée par une grande campagne d’impact avec cinq associations partenaires, nous avons créé un site internet dédié. Des parents me remercient aussi d’ouvrir un nouveau dialogue avec leurs enfants sur les impacts du choix de leur nourriture, sur leur santé mais aussi sur le monde extérieur, la déforestation. Cela devient concret pour eux, le film aide aussi à cela !  

Propos recueillis par Valérie Ganne.

Soutenu par Bretagne Cinéma, le film a reçu l’aide financière de la Région Bretagne en partenariat avec le CNC et l’accompagnement personnalisé de l’Accueil des tournages.

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