« Les métiers du son en Bretagne sont trop méconnus »
19 June 2025
7 minutes de lecture
Kevin Feildel est un jeune monteur son installé près de Rennes depuis plus de dix ans. Il a participé à des dizaines de séries et autant de longs métrages d’animation, dont notamment « Amélie et la métaphysique des tubes » de Liane-Cho Han et Maïlys Vallade, primé au Festival d’Annecy et au cinéma le 25 juin.

Comment avez-vous été formé au montage sonore ?

Kevin Feildel : Natif de Laval, j’ai suivi ma scolarité à Vitré, avant de rejoindre Angoulême pour un BTS image et son. J’ai très vite commencé sur des séries d’animation au studio Piste Rouge. Nous étions trois ou quatre monteurs pour une série, à se partager le montage son des épisodes en suivant une charte sonore commune. Cette expérience a été une bonne école, qui m’a permis de me familiariser avec les outils techniques tout en touchant un peu à la création. Je suis resté à Angoulême jusqu’en 2012, en travaillant aussi dans le jeu vidéo et le bruitage. Ensuite, je suis remonté à Rennes par choix personnel, car j’y ai ma famille et mes amis.
Comment avez-vous fait votre place dans la profession ?
K.V. : Essentiellement par recommandation, via le bouche-à-oreille. J’ai eu à la fois de la chance et des opportunités, en travaillant avec des sociétés différentes, à Angoulême, au Luxembourg, à Paris, tout en gardant ma base en Bretagne. Quand le studio AGM Factory (aujourd’hui TransPerfect) s’est ouvert à Rennes, j’ai aussitôt quitté Angoulême pour leur proposer mes services. Pendant cinq ans, j’ai travaillé chez eux comme monteur son pour des séries d’animation, des films de prises de vue réelles, ou encore pour du doublage. Puis en 2017, j’ai créé ma petite entreprise, FABRIK.S, qui me permet aujourd’hui de collaborer avec plusieurs sociétés différentes.
Comment en êtes-vous venu au long métrage d’animation ?
K.V. : J’ai commencé en 2019 sur « Le petit Nicolas, qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ». L’implication du monteur son sur un long métrage d’animation est plus importante que sur les séries. On a davantage de temps, on est en contact avec le réalisateur, tout en travaillant en équipe.
Pouvez-vous nous décrire votre rôle sur « Amélie et la métaphysique des tubes » ?
K.V. : Pour vous donner un exemple, un monteur son travaille trois à quatre jours pour un épisode de 12 minutes d’une série d’animation. Pour « Amélie… » nous avons bénéficié de 16 semaines de montage son, partagées avec Fanny Bricoteau, mon duo depuis le film « Mars Express ». Nous avons donc monté huit semaines chacun en parallèle, moi entre Rennes et Paris et Fanny entre Paris et Rennes ! Pour Maïlys Vallade qui habite près de Rennes, c’était un vrai confort d’être proche du montage son, qui est une grosse étape de création pour un film d’animation. Notre équipe comptait aussi une bruiteuse, Marie Mazière ; et un mixeur, Aymeric Dupast, qui ont travaillé trois semaines chacun, eux aussi entre Paris et Rennes.

Quelle est la spécificité du montage son en animation ?
K.V. : Les voix sont généralement enregistrées très tôt puisqu’elles servent à construire le story board et l’animatique. Les monteurs sons doivent tout recréer, cela prend plus de temps que pour un film en prises de vue réelles. Par exemple « Amélie… » se déroulant dans le Japon des années 70, les bruiteurs ont retrouvé les sons des tatamis sur lesquels marchent les personnages, les bruits des portes coulissantes en bois et en papier. Du côté du montage son, on a retrouvé les sons exacts des moteurs des voitures japonaises des années 70 qui ne sonnent pas comme ceux d’aujourd’hui. Nous avons construit beaucoup d’effets que seuls les films d’animation peuvent nous réserver. De plus, le personnage d’Amélie a deux voix : une « voix-in », celle d’une toute petite fille de 2 à 3 ans qui a dû être enregistrée avec plusieurs enfants ; ainsi que la « voix-off » d’une adolescente. Marvin Lormel (qui est breton également) a travaillé sur le montage des dialogues. Il a vraiment réalisé un travail de fourmi, très précis.
Votre parcours est riche de projets d’animation, séries ou longs métrages (« Marcel ou Monsieur Pagnol », « Angelo, dans la forêt mystérieuse », « Slocum et moi » …). Est-ce un hasard de rencontres professionnelles ou un goût pour ce format ?
K.V. : Je crois que ça s’est tout simplement enchaîné ! Sur les longs métrages de prises de vue réelles, je travaille également comme « foley mixer ». Cela consiste à enregistrer les bruitages, comme pour « Oxana », « Un ours dans le Jura », ou pour le dernier film de Cédric Klapisch, « La venue de l’avenir ». C’est un métier très complémentaire de celui du monteur son. Je sais ce que peut m’apporter un bruiteur, je connais aussi ses difficultés.
Vous aimeriez travailler davantage en Bretagne ?
K.V. : J’ai été beaucoup sollicité ailleurs, donc j’étais moins disponible en Bretagne. Dans l’absolu, j’aimerais travailler davantage avec des producteurs bretons. J’ai accompagné des amis de l’animation comme Benjamin Botella, Isabelle Lenoble (la série « Douce »), Paul Cabon. Et j’ai travaillé avec des sociétés comme Vivement Lundi et A perte de vue. Les métiers du son en Bretagne sont trop méconnus : les producteurs ne savent pas ce que l’on fait exactement, pourquoi on est si nombreux sur un film. Pourtant l’étape du montage son est facile à relocaliser en Bretagne. Depuis quelques années de nouveaux talents parisiens du son se sont installés à Rennes, le pôle audiovisuel de Douarnenez est très dynamique. Ça bouge. Lentement, mais ça bouge !
Propos recueillis par Valérie Ganne.
Retrouvez le profil de Kevin via l’annuaire Film France Talents
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